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Psychiatre infanto-juvénile et psychothérapeute.

Hébergement alterné et autorité parentale conjointe

JY Hayez, Ph. Kinoo (2005) "Hébergement alterné et autorité parentale conjointe", Revue de droit Familial, DeBoeck, LLN et Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence.

§I. L’autorité parentale conjointe (APC)

I.    Définition et enjeu

La loi belge du 13 avril 1995 énonce que l’autorité parentale doit être exercée conjointement par chacun des deux parents « légaux » de l’enfant, qu’ils soient mariés ou non, qu’ils vivent ensemble ou non . Ce principe reste d’application même si leur couple a été en crise et s’est séparé ou a divorcé. Néanmoins, les autorités judiciaires peuvent décider de confier l’autorité à un seul parent si la conduite de l’autre est source de préoccupations suffisamment importantes  ; ce pourrait être le cas notamment si l’un des parents refusait de façon persistante d’appliquer ce principe de l’autorité parentale conjointe.

Concrètement, le principe porte sur les grandes décisions qui concernent la vie de l’enfant : il faut soit que les parents puissent en discuter et les prennent vraiment ensemble, soit que l’un entérine telle option proposée par l’autre. Les contenus de ces décisions importantes sont énoncés de façon non exhaustive dans la loi : fréquentation de telle école, options philosophiques ou religieuses, lieu de résidence de l’enfant… : si des désaccords persistent à leur propos, le Tribunal peut être saisi et trancher le litige. De facto, ce sera surtout le cas s’il y a eu « tentative de fait accompli », c’est-à-dire si un parent a voulu mettre en route sa décision dans un domaine jugé important contre l’avis de l’autre parent.

Les petites décisions du quotidien, elles, restent sous la responsabilité individuelle de chaque parent chez qui l’enfant réside au moment où il faut les prendre.

Ce principe et cette loi sur l’APC constituent « un énorme défi lancé à notre époque… Quoi de plus légitime que, dans un contexte de fragilité – de déliquescence, diront certains – du lien conjugal, soit posé avec force le principe de la co-responsabilité parentale comme une référence essentielle pour les enfants ballottés au gré des recompositions familiales ? » (d’Ursel, 2004). Ils confirment toute l’importance que revêt pour l’enfant sa double référence à son père et sa mère, ou plus précisément aux détenteurs officiels de l’appellation « père » et « mère » : ceux-ci ne sont pas ipso facto ses parents géniteurs, mais la loi suppose que s’ils ont désiré être désignés socialement comme « père » et « mère », c’est qu’ils étaient prêts à inscrire l’enfant dans leur lignée généalogique et à exercer à son égard une forte responsabilité de type parental. S’il en est ainsi, il n’est plus question de faire une hiérarchie entre eux : l’un et l’autre sont également importants ; il est souhaitable qu’ils soient deux, chacun porteur de son identité, mais aussi de son incomplétude , qui rend la présence de l’autre tellement enrichissante : l’enfant peut donc se sentir appartenir à deux lignées ; il peut puiser chez chacun des éléments d’identification, des valeurs et des repères différenciés. La double référence lui permet aussi « d’avoir du jeu » à l’occasion, c’est-à-dire de ne pas être ou se sentir prisonnier d’une toute-puissance, davantage susceptible d’émaner d’un parent exerçant seul ses fonctions.

Tant mieux donc si enfants et adolescents sont bien informés de la valeur que revêt ce principe ! Tant mieux également si des parents séparés, non excessivement envahis par d’interminables conflits, s’y réfèrent raisonnablement !

II.    Des problèmes persistent

Ceci dit, la loi de 1995 n’a pas réglé tous les problèmes de terrain, loin s’en faut :

-    Quoi qu’elle veuille imposer, quelques parents – séparés ou non ! – sont partiellement ou totalement incapables de faire une place à leur partenaire-parent. Dans les cas les plus graves, ils méritent l’appellation de parent aliénant , mais des situations moins extrêmes peuvent déjà s’avérer bien préoccupantes : ici, l’un des parents – souvent celui qui n’a pas la garde quotidienne principale – est subtilement mis à distance et disqualifié. La tentation d’une démission progressive dans le chef de ce parent contesté n’est pas rare (Poussin, 1998) ; pourtant, mieux vaudrait qu’il essaie de rester debout face à l’enfant, pour lui montrer la valeur de ce qu’il apporte de différent, sans pour autant insécuriser l’enfant par des contre-attaques systématiques contre le parent premier harcelant ! Pas simple, reconnaissons-le !

-    Ailleurs, c’est de part et d’autre, en référence à une dynamique systémique, que les conflits restent vifs, tant avant qu’après la séparation. De féroces affrontements socio-juridiques existaient déjà avant la mise en place de la loi et persistent par-devers celle-ci : toute décision quelque peu importante n’est prise qu’à l’arraché, avec sabotages à la clé, et à grand renfort d’énergie et de coûts sociaux et judiciaires : du pain bénit pour certains avocats, médiateurs et psy en mal d’emploi et de sérieux dilemmes pour les magistrats avant qu’ils se décident à appliquer l’ultime recours offert par la loi : confier à nouveau l’autorité exclusivement à un parent. Mais auquel ? Vraiment pas simple, face à ces parents déchaînés, d’évaluer s’il y en a vraiment un qui soit peu meilleur et l’ autre un rien plus incompétent !

-    A côté de ces freins mis à l’efficacité de la loi, il existe un autre effet négatif que l’on peut, lui, qualifier de pervers. On y assiste lorsque de facto, un parent – souvent la mère – porte à lui seul la plus grande partie de la charge quotidienne de l’enfant : elle l’a accepté ou voulu ainsi, certes, mais cela arrange bien l’autre parent – souvent le père – qui a repris une vie plus libre de son côté. Néanmoins, ce second parent se sert du principe d’autorité parentale conjointe pour surgir à l’occasion et mettre des bâtons dans les roues du parent principal gardien, jusqu’à parfois lui pourrir la vie. Les motivations de ce second parent sont variées : dans les pires des cas, il s’agit d’une lutte de pouvoir homme femme, c’est-à-dire de soumettre à nouveau la femme à l’autorité masculine ; la femme garde la charge effective des enfants, mais les pères ont repris le pouvoir de contrôler leur vie (entre autres, restriction sur la mobilité, imprévisibilité dans la programmation des temps consacrés à l’enfant, exigence d’un hébergement alterné  qui ne sera pas appliquée…). Ces motivations narcissiques et de pouvoir doivent nous faire nous souvenir que, s’il existe des féministes parfois excessives dans leurs revendications, il existe des masculinistes tout aussi outranciers.

Nous avons donc là un principe important – reconnaître une égale valeur et donc une égale autorité au père et à la mère –, et voici que l’être humain se montre tout de suite capable de le faire dysfonctionner ! Il va donc falloir faire preuve de réalisme, examiner chaque situation au cas par cas, et surtout, ne pas prendre l’enfant comme otage pour nous venger de nos impuissances d’adultes professionnels face à des parents récalcitrants ou retors.

Les procédures actuelles permettent-elles  de "forcer" l'application de l’ APC ?  Y a-t-il des dispositifs pour surveiller cette application ? Y a-t-il moyen de contrecarrer le parent qui refuserait, par principe, l’implication de l’autre ? Et ceci, sans violences administratives ou pénales qui se retournent quasi inévitablement et gravement contre la paix intérieure de l’enfant ? Et surtout sans nouveaux déracinements intempestifs de celui-ci ? Inversement, y a-t-il moyen de calmer le parent qui ferait une interprétation abusive de son droit à l’autorité pour le seul plaisir d’ennuyer l’autre, mais sans engagement véritable pour le bien de l’enfant ? C’est à ces questions que doivent s’atteler ensemble les professionnels du terrain (magistrats, avocats, médiateurs, travailleurs sociaux, psy…) pour trouver des règles souples et des solutions à réinventer chaque fois.

§II. L’hébergement alterné et les conditions positives de son application

Après séparation des parents, pour que se concrétise dans leur quotidien le principe de leur autorité parentale conjointe, on peut recourir à une pratique d’hébergement alterné : l’enfant séjourne approximativement la moitié de son temps de vie chez l’un de ses parents et l’autre moitié chez l’autre. Les petites décisions du quotidien relèvent de la responsabilité de son gardien du moment et les grandes, elles, doivent rester conjointes, comme nous l’avons exposé précédemment.

Les répartitions de durée qui sont choisies sont très variées, mais rarement de moins d’une semaine. Il existe  par ailleurs des formules proches d’une garde alternée stricto sensu, qui peuvent être inclues dans la réflexion qui va suivre. Ainsi, parle-t-on parfois de droit de visite élargi ou de week-end prolongé pour désigner, par exemple, une organisation de l’hébergement où l’enfant séjourne chez un de ses parents une semaine sur deux du jeudi soir au mardi suivant le matin et la moitié des vacances scolaires.

S’il arrive que l’on présente l’hébergement alterné comme la vitrine de l’autorité parentale conjointe, elle n’en constitue cependant qu’une des expressions possibles. Il ne faut pas confondre quantité égale et égalité dans ce qui est vécu ! Or dans le domaine des relations humaines la qualité est plus essentielle que la quantité !

Par ailleurs, dans une majorité des cas, les solutions négociées et acceptées par les parents sont préférables aux solutions imposées. Si trouver un compromis s’avère trop difficile à eux tous seuls, il existe des intervenants professionnels pour les aider, par exemple des médiateurs (d’Ursel, 2004) . Nous sommes donc hostiles à ce qu’une formule unique d’hébergement, quelle qu’elle soit, apparaisse un jour dans un texte de loi comme la règle de base par rapport à toutes les autres. Depuis quelque temps, les ingérences inutiles de l’Etat dans le privé des familles et des groupes ont tendance à se multiplier et, de ce fait, déresponsabilisent les acteurs de première ligne. Notre société s’alourdit sous le poids des décrets et des lois qui réglementent le quotidien ! Il y aurait d’ailleurs un paradoxe énorme entre le droit reconnu aux deux parents d’exercer la fonction parentale après la séparation et le fait que ce soit ici l’Etat qui l’exercerait à leur place, quand ça touche à une décision aussi fondamentale que l’organisation de la vie parents-enfant.

Parents et intervenants ne devraient mettre en œuvre un projet d’hébergement alterné que si un certain nombre de conditions positives sont remplies, et ne le maintenir que si elles le demeurent ! Les voici énumérées, selon ce que nous pensons être un ordre d’importance décroissante.

I.    L’enfant concerné doit être positivement intéressé par la perspective de l’hébergement alterné et le demeurer si celui-ci est mis en place.

A.    Un enfant positivement intéressé : discussion du concept
Quitte à paraître désuets, nous pensons qu’il faut privilégier la prise en compte du bien-être de l’enfant après la séparation de ses parents. Via cet acte, ceux-ci ont pris la décision de faire ce qu’ils croyaient bon, en pensant d’abord à leur intérêt affectif d’adultes.  Même si leur démarche s’avère souvent bénéfique pour tous à moyen et long terme, il est rare qu’elle n’entraîne pas d’abord quelques souffrances psychiques pour l’enfant : tristesse, révolte, insécurité, culpabilité sont fréquemment vécus et se  traduisent en comportements difficiles à assumer par les adultes, même si cette capacité de s’exprimer signe souvent la bonne santé mentale de l’enfant.
C’est donc justice que par la suite, on  essaie d’abord de penser au bien-être de celui-ci, entre autres quand il s’agit de déterminer comment vont se répartir ses séjours entre ses parents.

Néanmoins, prétendre être le porte-parole de l’intérêt de l’enfant constitue un projet à risque, régulièrement perverti par des adultes qui s’abritent derrière celui-ci pour défendre leurs idées à eux.

Pour réduire le risque d’erreur, la communauté sociale devrait proposer à l’enfant concerné de s’exprimer et s’efforcer de l’écouter dans une ambiance bienveillante et neutre.
La communauté sociale ? Elle délègue à cet effet des interlocuteurs professionnels dont il est important qu’ils soient choisis à l’amiable par les deux parents  ou désignés par les autorités judiciaires. Leur mission est d’aider à prendre des décisions-clé (ici, par exemple, l’organisation de l’hébergement) et ils doivent donc avoir une bonne expérience de l’écoute des enfants et du dialogue avec eux. Actuellement, beaucoup de médiateurs hésitent encore à impliquer l’enfant dans le processus de médiation et c’est dommage, au vu de toute la richesse qu’un enfant peut apporter quand il décide de s’exprimer ! Par ailleurs, il y a les experts civils qui invitent quasi systématiquement l’enfant . Plus simplement parfois, cela peut se faire dans un cadre de consultation d'un psychologue ou d'un psychiatre infanto-juvénile. Pour ce faire, quelques précautions sont  nécessaires. (Kinoo, 1997, 2001,1 bis).

A cet évaluateur, l’enfant souhaite-t-il faire part de son idée concernant ses séjours futurs chez son père et chez sa mère ? Qu’est-ce qui le motive ? Dans quelle mesure est-ce une idée personnelle ou une idée qu’on lui a soufflée à l’oreille ? Les enjeux de tels entretiens devraient être clairs pour chacun : il s’agit de réfléchir, et de s’exprimer et de discuter si on le souhaite. Après, ce sont les parents qui décident (ou le Juge). Pour peu que l’enfant désire s’exprimer, son interlocuteur devrait d’abord l’écouter sans a priori et l’aider à bien exposer ce qu’il a à dire. Après, l’adulte peut entamer une discussion, faire des propositions alternatives, mais en laissant bien à l’enfant la possibilité d’évaluer le pour et le contre des différentes options. Plus l’enfant est prudent et peu bavard, plus l’adulte doit veiller à l’informer sur ce qui est possible, mais toujours avec respect et ouverture face aux préférences que l’enfant finirait quand même par exprimer. Enfin, l’enfant définitivement mutique doit être respecté, lui aussi !
Plus tard, lorsqu’une décision sera prise, il faudra veiller à ne pas la justifier en se référant à la demande ou au refus manifestés par l’enfant. Même si l’on a été influencé par ceux-ci, ce n’est pas lui qui porte la responsabilité de la décision.

B.    Comment en tenir compte ?

Au terme de ces dialogues, on ne devrait pas imposer un hébergement alterné à l’enfant qui en éprouve la perspective négativement et de façon stable. Inversement, s’il la souhaite, et d’autant plus qu’il la souhaite ardemment et fortement, c’est un indicateur fort pour la mettre en place, surtout si les conditions suivantes sont réunies, elles aussi. S’il se dit indifférent, il faudra avancer prudemment : se référer aux autres conditions et prendre des décisions susceptibles de révision, par exemple de six mois en six mois, ou annuellement.
Notre pratique d’expertise civile nous a montré que l’hébergement alterné était souvent positivement souhaité par des enfants (et même quelques adolescents) forts, équilibrés psychiquement, capables de penser à leur intérêt, même dans ces situations conflictuelles  lorsqu'elles n’ont pas dégénéré jusqu’à vouloir les entraîner de façon importante dans le conflit de chaque adulte contre l’autre. Pour ces enfants, la demande de résidence alternée signe aussi l’espoir d’un apaisement de la tension entre leurs parents.

C.    Applications en référence à l’âge

1.   On admet généralement que les bébés et les tout petits enfants, jusqu’à 3 ans révolus, ne sont pas de bons candidats à la résidence alternée. C’est vrai, en moyenne, mais il faut bien comprendre pourquoi !

-    Beaucoup de tout petits supportent bien d’aller à la crèche ou chez une gardienne d’enfants : pendant des durées de temps longues et dont le retour est largement prévisible et ritualisé ; ils vivent donc positivement des séjours en alternance. Mais ce qui est fondamental, pour que ça se passe bien, c’est le passage du témoin entre gardiens successifs, où l’enfant peut s’imprégner d’une permanence de la confiance entre les personnes : lorsque le tout petit pressent que ses gardiens les plus familiers (ses parents) sourient au suivant et le remettent dans les bras de celui-ci avec plaisir, alors, si du moins il n’est pas d’un naturel trop anxieux, il se sent en sécurité et ne fait pas beaucoup – ou pas du tout – d’histoire pour changer d’environnement à répétition.

-    Il souffre déjà davantage d’insécurité lorsque, malgré le fait que les adultes s’apprécient les uns les autres, les changements sont plus inorganisés, imprévisibles, ou portant sur des lieux multiples et inconnus.

-    Mais justement, il ne faut plus rêver : dans la (grande) majorité de cas de séparations parentales presque par définition toutes fraîches puisque, ici, des enfants très jeunes sont en jeu, ce contexte de confiance réciproque entre les conjoints séparés est loin d’être retrouvé ! La mère a peur de voir partir son enfant chez son « ex », qui représente essentiellement des expériences et souvenirs négatifs. Et le papa, de son côté, les fois où il « a » l’enfant chez lui, se crispe pour montrer qu’il sait réussir tout seul et donc qu’il ne fera surtout pas de référence à la maman. Si la situation se présente ainsi – et c’est le plus fréquent ! – alors l’enfant a fort peur d’être séparé de sa mère : peur de ce qui pourrait arriver quand elle n’est pas là et qu’elle n’aime pas trop qu’il soit là où il est ; peur aussi de ne plus jamais la revoir ; et quand il revient chez elle, il ne « décompresse » que lentement, il lui montre toute son insécurité et aussi qu’il s’est fâché. Et bien sûr, ce comportement difficile du tout petit chez chacun des adultes ne fait que « légitimer » leur position de disqualification de l’autre : la mère accuse le père d’incompétence voire de traitements louches ; le père accuse la mère de lui mettre des bâtons dans les roues : et le cercle vicieux de méfiance et de reproches réciproques s’intensifie. C’est à cause de ces tensions entre adultes, et non parce que, par principe, les tout-petits ne supporteraient pas les alternances de séjour que ces derniers éprouvent des difficultés à s’adapter à ces conditions relationnelles.

Vivant dans ces conditions, pratiquement, les jeunes enfants jusque 3 ans gagnent à avoir une référence principale stable, matérielle et spirituelle, pour se construire une confiance de base forte et pour se laisser aller tranquillement à développer leur potentiel créatif sans allers-retours. Ils gagnent donc à avoir un parent gardien principal de leur vie quotidienne . L’autre parent peut venir faire à l’enfant des visites répétées, ou l’emmener pour de brefs séjours à son domicile. La durée de ces séjours peut augmenter progressivement : nous nous référons ici au principe de fractionnement évolutif décrit par M. Berger (1998)  : d’abord deux ou trois heures, puis une demi-journée, deux ou trois fois par semaine ; on peut y ajouter progressivement un jour, deux jours avec une nuitée, deux trois jours de vacances,… L’enfant reste donc principalement en séjour chez la personne (ou plus exactement le petit groupe de personnes) qui le materne, mais ni lui ni l’autre parent ne sont privés du plaisir de se voir, de se parler, de jouer ensemble, de donner et de recevoir des soins (Batchy, Kinoo, 2004).

2.    A l’autre extrême d’âge, à partir de 12 ans révolus, on peut estimer que l’adolescence commence . Il arrive que ces adolescents n’aiment plus trop qu’on mette en place ou que persiste une résidence alternée, parce qu’ils ont souvent besoin d’une tanière personnelle de référence où se poser, marquer leur territoire et reconstruire leur identité. En outre, ils n’aiment pas trop apparaître aux yeux de leurs pairs comme de perpétuels voyageurs toujours soumis aux règles posées par leurs parents. Enfin, de facto, ils sont souvent davantage contrôlés dans un système d’hébergement alterné et ils n’aiment pas tellement cela non plus : ici deux shérifs se relaient et se sentent chacun très responsables du quotidien et du respect de leurs règles (Wallerstein, 2000) ; dans l’autre formule, les adolescents finissent davantage par prendre leurs habitudes et par mieux contourner le parent principal gardien… et c’est très bien ainsi !
Cependant d’autres ados continuent à préférer le système d’alternance, ou demandent même de sortir d’un hébergement à parent trop unique et mettent eux-mêmes en route un nomadisme plus ou moins ritualisé entre leurs parents. L’idée essentielle est donc que, plus que jamais, on écoute le point de vue de l’adolescent et qu’on en tienne compte toutes les fois où l’on pense que, ce qu’il veut, ce n’est pas surtout échapper à la loi.

3.    C’est donc dire que c’est entre 4-5 ans et 12-13 ans que l’application de l’hébergement alterné devrait être le plus fréquent : beaucoup moins souvent avant, surtout si l’ambiance est conflictuelle, et moins souvent après, sauf si l’adolescent y consent. Pendant cet âge de la scolarité primaire, la durée de chaque période de séjour devrait être bien pensée, au cas par cas, dans toute la mesure du possible en se concertant avec l’enfant. Plus il est jeune, mieux il vaut que les alternances soient courtes, sans pour autant faire de lui un perpétuel nomade : on pourrait démarrer par des alternances d’une semaine commençant le lundi  et soit en rester là, soit augmenter progressivement les durées (quinze jours, quatre semaines, avec l’un ou l’autre contact intercalé de l’autre parent). Les cadences trop rapides multiplient les tensions intrapsychiques lors des transitions, et bien d’autres petites frustrations (ré-abandonner des objets, laisser des travaux inachevés, ne pas pouvoir bien se préparer à recevoir des amis…). Au fond, les durées optimales pourraient être convenues de commun accord avec l’enfant.

II.    L’état d’esprit des parents

A.    Des parents demandeurs

La situation apparemment la plus simple est celle où les deux parents ont l’air d’être activement intéressés par la perspective d’un hébergement alterné. Cela vaut néanmoins la peine d’examiner plus précisément leurs motivations et leurs idées concrètes sur le projet.

1.    Dans nombre des cas, on pourra confirmer que ce vécu positif se veut au service du bien-être de tous. Ici, les parents ont fait le deuil de leur relation de couple ; ils sont redevenus suffisamment sereins pour être capables de respect mutuel et de coopération dans l’éducation de l’enfant ; chacun autorise moralement ce dernier à aimer l’autre et à s’y référer positivement. Ils ne pensent pas nécessairement que l’hébergement alterné puisse être la solution miracle pour l’enfant, mais ils y arrivent à titre de compromis raisonnable, éventuellement avec l’aide de médiateurs (Pearson, Thoennes, 1985).

2.    Dans d’autres cas, minoritaires, on a plutôt l’impression que c’est une forte rivalité qui fonde la motivation des parents : la résidence alternée, alors, c’est le compromis intelligent auquel ils se résignent intuitivement pour ne pas céder une miette de supplément de pouvoir à l’autre ni prendre le risque que, peut-être, l’enfant pourrait s’attacher davantage à celui chez qui il vivrait un peu plus longtemps.

Cette rivalité est rarement reconnue comme telle par les adultes, qui s’affichent plutôt branchés du fait même de leurs revendications égalitaristes ; il n’est pas fréquent que l’enfant ose se différencier de cette attente de ses parents : il dira donc souvent que lui aussi préfère un hébergement alterné. Alors, il faudra y souscrire sans commentaire inutilement blessant, surtout si les autres conditions sont remplies elles aussi.

Plus rarement, l’enfant essaie quand même de montrer qu’il a une préférence pour un lieu d’hébergement principal, mais il est peu fréquent qu’il ose le faire ouvertement. Par exemple, il le confie à un interlocuteur neutre, tel un expert ou un magistrat. Et c’est alors le point de départ de douloureux malentendus, car il n’ose pas confirmer sa préférence quand il se trouve avec l’autre parent, surtout si celui-ci l’interroge avec toute l’inquiétude et la capacité de pression dont un adulte est capable. Pourtant, pour peu que l’enfant se montre clair et stable quand il exprime sa préférence, ne faudrait-il pas tenir compte de celle-ci ? En s’expliquant patiemment avec le deuxième parent, en évoquant sans détour ce que peut-être l’inhibition à parler chez un enfant, sa crainte de blesser ou d’être grondé…

3.    Dans d’autres cas encore, on aura l’impression que si les deux parents sont d’accord, c’est surtout parce qu’aucun des deux ne voudrait faire plus de corvées que l’autre et supporter excessivement les charges liées à la gestion d’un enfant. Cela ne veut pas dire ipso facto que celui-ci est rejeté, mais tout de même, il ne doit pas trop encombrer ! Parfois même, ce n’est pas lui, l’enfant, qui est visé, mais il est impensable aux yeux du premier parent que le second retrouve trop de liberté (pour se distraire, se choisir un nouveau partenaire…), pendant que lui serait bloqué avec l’enfant.
Que faire, dans ce type de situation, sinon se résigner devant les limites de la générosité parentale ? A-t-on d’ailleurs le choix ? Est-il nécessaire de prendre les devants et de commenter cet état de fait à l’enfant, si celui-ci n’en est pas conscient ou ne prend pas l’initiative d’en parler ?

B.    Des parents quérulents

Le cas d’espèce inverse est tout aussi simple : ici, après leur séparation, les parents restent en conflit pour tout et rien et ne sont pas davantage d’accord sur l’idée de l’hébergement alterné que sur n’importe quoi : il suffit que l’un la réclame – très souvent celui qui n’avait pas le principal de la garde quotidienne de l’enfant – pour que l’autre la refuse farouchement ! Cet état de fait, pour peu qu’il persiste, est un puissant indicateur pour ne pas opter pour l’hébergement alterné. Il est illusoire de croire qu’elle va fonctionner comme une espèce de baume miracle obligeant les parents à s’entendre ; au contraire, les conflits acharnés vont continuer. On a déjà vu des enfants forcés de se changer, dans le hall d’un immeuble à appartements, pour ne pas porter chez l’un les vêtements mis chez l’autre. Ici, l’alternance instituée amènerait l’enfant à vivre à haute intensité des moments de passage très orageux ; et puisque l’un a autant de pouvoir et de temps à partager que l’autre, l’hébergement alterné amènerait l’enfant à recevoir incessamment des récriminations sur le bien-fondé des valeurs, règles et décisions du parent absent .
Ici, une mesure moins mauvaise pour garantir un peu plus de paix intérieure à l’enfant est de s’en tenir à ce que l’on appelait jusqu’ il y a peu un « droit de visite classique », voire à des contacts quantitatifs encore plus limités.

C.    Situations intermédiaires

Il existe entre les deux pôles opposés que nous venons de présenter des situations intermédiaires, où l’appréciation est difficile .

-    C’est le cas par exemple lorsque l’un des parents est trop anxieux à l’idée de se séparer de l’enfant, ou un peu trop possessif, en n’allant cependant pas jusqu’à diaboliser l’autre et à vouloir le gommer de l’enfant : ce premier parent met alors assez souvent et plutôt involontairement quelques obstacles, pour compliquer le contact avec l’autre ; quand il parle de ce dernier, il se centre surtout sur ses manques, son insouciance, ses défauts de vigilance, son indifférence pour l’école… Néanmoins, il ne se dresse pas sur la route de  cet autre avec la conviction folle des rares parents vraiment aliénants (Hayez, Kinoo, 2004).

-    C’est encore le cas lorsque la situation est tendue entre les parents, l’un ne passant pas à l’autre ses incartades réelles, mais sans pour autant que tout soit prétexte à des bagarres sans fin : ici, les adultes ne s’aiment plus, mais restent objectifs dans leurs revendications ; ils n’empêchent pas l’enfant de circuler de l’un à l’autre, à condition que le cadre légal soit strict et qu’on ne se fasse pas de cadeaux…

D.    Décoder les motivations

Il importe enfin d’apprécier la sincérité des motivations de chaque parent et la faisabilité de son projet. Dans le doute, des entretiens avec un médiateur, un psy, un expert… sont souvent nécessaires. Parfois une visite au domicile de chaque parent, effectuée par un travailleur social mandaté par le tribunal, s’indique elle aussi pour se faire une idée plus précise. En effet, il arrive plus d’une fois que, dans le chef d’un des parents, la demande d’hébergement alterné :

-    n’est qu’une intention - feu de paille, qui ne résistera pas aux exigences du terrain ; or cette immaturité du projet est souvent largement prévisible !

-    n’est qu’une manière d’ennuyer l’autre conjoint : une fois mise en route, elle ne se déroule que très irrégulièrement, mais le parent de mauvaise volonté a réussi à récupérer du pouvoir officiel sur l’autre !

-    n’est que la porte ouverte pour confier l’enfant à des grands-parents, l’un des deux parents – le plus souvent le père – se trouvant dans l’incapacité d’assurer la gestion matérielle ou affective du projet (pour des raisons professionnelles, par manque de compétences dans la gestion du quotidien ou par désir de liberté…).

NB : Il y a une vingtaine d’années, N. Dopchie, pédopsychiatre belge qui travaillait beaucoup ces questions de séparations parentales, avait proposé que l’on applique à l’essai une formule d’hébergement alterné provisoire, le plus rapidement possible après la séparation parentale (Dopchie, 1981). L’idée sous-jacente était que les parents puissent s’exercer à la formule et que l’enfant puisse apprécier les qualités éducatives de chaque parent, et s’exprimer alors en meilleure connaissance de cause ; c’était aussi que ce dernier ne s’habitue pas au gardiennage par un seul parent, se mettant du même coup à distance psychologique de l’autre. Enfin, il s’agissait de combattre par là une application excessive du principe de précaution, en ayant constaté qu’un magistrat qui a pris une première décision à durée indéterminée n’aime pas trop la remettre en question dans un second temps. Raison officielle : ne pas déstabiliser l’enfant !
Cependant, quand on voit ce que peut être une crise de séparation entre adultes, force est de reconnaître que cette proposition est loin de pouvoir s’appliquer dans tous les cas. De là à dire qu’elle ne mérite pas de retenir l’attention et qu’il ne faut pas y recourir quand c’est possible, c’est une autre histoire…

III.    Conditions matérielles

A.    La distance géographique

Il est impératif que la distance géographique qui sépare le domicile des deux parents soit courte. De la sorte, l’enfant conserve intacts son implantation scolaire, son réseau d’amis, ses activités parascolaires… En dehors de ses deux maisons, ses repères spatiaux et matériels restent largement stables, ce qui est d’autant plus important que l’enfant est petit. Et les parents ne s’épuisent pas en navettes insensées.

Il faut en outre que chaque parent n’introduise pas de coupure dans la vie sociale de l’enfant, par principe et pour le plaisir de contrecarrer son ex-partenaire ou tout simplement pour privilégier son propre confort. C’est parfois moins facile à régler qu’il n’y paraît. Par exemple, comment faire place au camp scout de l’enfant ou à une invitation à passer quelques jours chez un ami, sans empiéter un tant soit peu sur le droit de chaque parent à ses propres vacances ni sur son désir de passer du temps avec l’enfant en ce moment de récréation  ?

B.    Les valises

Lorsque l’enfant passe d’un lieu de séjour à l’autre, ses valises doivent être aussi légères que possible. Il y a donc beaucoup de « choses » à posséder en double exemplaire (vêtements, jouets…). Inversement, pour ce que l’enfant ne veut pas  dédoubler, il ne faut pas rechigner à faire circuler avec lui les « accessoires » qu’il désire (son vélo ou ses rollers, ses nounours, d’autres « objets symboliques » d’une grande valeur affective pour lui, etc.).

Ces conditions matérielles sont onéreuses, voire difficilement réalisables à l’occasion (si, par exemple, elles impliquent le déménagement d’un des parents loin de son lieu de travail). Pour cette raison, on dit parfois que l’hébergement alterné est une mesure de classe, principalement accessible aux familles aisées. S’il convient de nuancer cette déclaration, il faut reconnaître qu’elle n’est pas dénuée de tout fondement. Cette inégalité d’accès renforce notre conviction que la garde alternée ne doit pas être prévue comme une norme dans un texte de loi !

IV.    Une souplesse raisonnable

A l’instar des autres mesures fixant l’hébergement, la résidence alternée ne devrait jamais être considérée ni comme une broutille que l’on pourrait changer du jour au lendemain ni comme un choix irrévocable.

C’est une décision que les adultes concernés sont censés prendre avec maturité, au terme d’une réflexion approfondie qui en a pesé le pour et le contre. Une fois choisie, on peut donc procéder de l’idée qu’elle est mise en place pour une durée indéterminée : il ne faudrait donc pas que des événements mineurs ou des changements d’humeur chez les parents viennent la modifier ! Pas plus que de simples caprices ou des tentatives de chantage émanant de l’enfant !

Inversement, les besoins et les désirs de celui-ci peuvent évoluer lentement au fil du temps, et il faut pouvoir l’entendre : ainsi, avons-nous déjà évoqué la question des adolescents ; de même, quelques enfants sensibles ne s’adaptent pas du tout à la formule et, sur une durée de quelques mois, on devrait pouvoir acter qu’ils persistent à se vivre malheureux et en revenir à un parent gardien principal de son quotidien ; ou encore, il faut pouvoir tirer les conséquences du fait que la nouvelle compagne (le nouveau compagnon) d’un des parents a surestimé ses capacités concrètes d’accueil de son « bel-enfant »…

§ III. Les résultats

I. Les résultats positifs de l’hébergement alterné

On peut d’autant plus escompter des résultats positifs à l’hébergement alterné que les conditions positives de son application sont bien rencontrées. Tant mieux en outre, si :

-    les parents ne font pas du calendrier concret des alternances un carcan rigide et peuvent se montrer souples : telle semaine, il y aura un écart à ce qui est officiellement prévu ; par exemple, pour répondre aux nécessités de la vie sociale de l’enfant… ou même parfois, pour se faciliter un peu la vie l’un à l’autre.

-    les parents ne font pas des séjours respectifs deux blocs spatio-temporels clivés, parfaitement étanches l’un à l’autre. Certes, chacun reste maître des petites décisions du quotidien quand l’enfant est chez lui : mais il est quand même préférable qu’il existe une certaine cohérence éducative, suffisamment d’harmonie dans les règles posées, de l’information réciproque sur les états d’âme de l’enfant, ses soucis ou ses ruses manipulatrices, un seul médecin traitant, etc.

Dans un tel contexte positif, l’enfant continue à ressentir l’importance qu’il a aux yeux de ses parents, ce qui est excellent pour conforter l’estime qu’il a de lui-même et sa confiance en lui. Il ressent la permanence de la sollicitude de chaque parent pour lui, et aussi celle d’une autorité cohérente qui l’aide à se socialiser. Il connaît la paix, entre autres parce qu’il reçoit de chacun l’autorisation morale de pouvoir aimer « l’autre » et de s’y référer positivement ! L’enfant bénéficie aussi pendant des durées significativement importantes du témoignage de vie de son père et de sa mère : il peut donc s’imprégner de leurs deux cultures, de leurs deux images du monde, et en faire la synthèse en lui.  Il est également mieux préparé à reconnaître une place égale et complémentaire à l’homme et à la femme, à la fonction paternelle et à la fonction maternelle, dans sa vie affective future d’adolescent et d’adulte.

II. Les risques et les résultats négatifs

A.    Trop miser sur la matérialité des mesures prises

Nous l'avons dit, l’enfant est bien plus influencé par ce qui se vit dans la relation parents / enfants et par la manière dont les adultes gèrent avec ou sans respect mutuel la faillite de leur couple que par la quantité de temps passé chez chacun. D’où l’importance, pour chacun des parents, d’une mise en question de soi. En réfléchissant seuls ou avec l’aide d’amis, de proches ou de professionnels, il est bon qu’ils fassent évoluer leurs idées et mettent en place des actes pour :

-    Continuer à accorder une égale importance à la fonction paternelle et à la fonction maternelle, habituellement distribuées principalement sur les « têtes » de leurs agents les plus naturels, le père et la mère de l’enfant.

-    Reconnaître concrètement cette égale importance à l’autre, l’ex-conjoint, toutes les fois, majoritaires, où cet autre n’a pas gravement démérité face à l’enfant.

-    Se reconnaître également cette importance, cette valeur… et cette responsabilité à soi-même. Cela signifie ne pas désinvestir l’enfant, notamment les fois où on le voit moins souvent que le premier parent ; continuer à croire que l’on est important pour le devenir de cet enfant, même quand le conflit perdure et que l’autre parent y met des obstacles ; ne pas se laisser effacer spirituellement (ce qui ne veut pas dire non plus qu’il faut tout le temps faire un dur bras de fer pour avoir accès à l’enfant, qui serait alors comme l’otage convoité en permanence par deux tribus ennemies).

L’existence de cette ambiance affective sereine, où chaque adulte est reconnu et où est reconnu à l’enfant son droit d’aimer, c’est LA condition incontournable pour favoriser son bien-être psychologique quel que soit le système d’hébergement adopté.

Pour être positive, la résidence alternée doit donc pouvoir s’inscrire sur un terreau de ce type : alors, on peut la comparer à deux maisons mitoyennes, disposant chacune de bonnes fondations : on passe facilement de l’une à l’autre. Les portes sont fermées, mais il suffit de sonner pour entrer. Par contre, si c’est la guerre et la négation de l’autre par chaque parent, l’hébergement alterné peut être comparé à deux maisons bâties sans fondations, sur de la rocaille, avec des vents de tempête qui soufflent. Les portes de chacune sont barricadées et l’enfant doit en attendre l’ouverture dans le froid… Ce qui le « tue », ce n’est pas le nomadisme de sa vie, auquel les enfants s’adaptent, mais la crise affective entre les parents, qui lui interdit de se sentir en sécurité où qu’il soit (Kinoo, 1997). Cette métaphore permet aussi de comprendre qu’il est inutile de prendre les choses à l’envers, c’est-à-dire de miser sur l’hébergement alterné comme remède pour obliger les parents à s’entendre. Il faut d’abord prendre du temps à remanier le terreau des fondations et, si l’on n’y parvient pas raisonnablement, renoncer à ce type d’organisation de l’hébergement.

B.    N’accorder aucune importance à la matérialité des mesures

L’attitude inverse, qui consiste à n’accorder aucune importance à la matérialité des mesures est également dommageable. L’enfant a besoin de signes concrets qui lui montrent qu’on s’intéresse toujours à lui, qu’on veille sur lui, qu’on ne lui laissera pas faire n’importe quoi… Et il est évidemment des plus souhaitables que ce soit d’abord son père et sa mère qui lui envoient ces signes.


CONCLUSIONS

Donc, quand les conditions positives de l’hébergement alterné sont réunies, celui-ci peut constituer une excellente mesure ! Dans les autres cas, et pour peu que la personnalité d’un parent ne soit pas lourdement négative pour l’enfant, on doit veiller de toutes ses forces à ce que le parent qui n'a pas l'hébergement principal ne désinvestisse pas progressivement son lien avec l’enfant, avec, comme signe tangible, l’effritement, si pas la disparition, des contacts avec ce dernier (Poussin, 1998). Corollairement, on doit mettre également beaucoup d’énergie à ce que le parent principal gardien du quotidien continue à laisser une place à son ex-conjoint dans le processus éducatif, et qu’il ne culpabilise pas les enfants d’encore aimer ce dernier.

On ne réussit pas toujours très bien à remplir ces deux objectifs complémentaires. En outre, il y a aussi la liberté intérieure de l’enfant et celle de ses sentiments, qui contrecarre parfois les projets des adultes.

Quoi qu’il en soit, si ce n’est pas l’hébergement alterné qui est retenu, répétons que ce qu’on appelait jusqu’il y a peu le « droit de visite classique » garde toute sa valeur. Dans l’article intitulé « l’aliénation parentale, un concept à haut risque » (Hayez, Kinoo, 2004), nous avons ajouté que, même en cas de réticences unilatérales ou de bagarres perpétuelles, cela valait la peine de mettre de l’énergie à ce que des contacts parents-enfants soient maintenus, quitte, s’il le faut, à utiliser les centres « Espace-rencontre ».
 
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