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Psychiatre infanto-juvénile et psychothérapeute.

Hôpital / réseau, dedans / dehors, et anneau de Moebius

A. Mathy, Ph. Kinoo (2010), Hôpital/réseau, dehors/dedans et anneau de Moebius, Enfances/Adolescences, vol. 17, 2010/1.

 

Nos réflexions sur l’hôpital et le réseau partiront de tentatives de réponses de notre service à la question : « Comment faire quand on est en projet de sortie et que tout est ou reste compliqué? »

Notre service est un hôpital de jour pédopsychiatrique, situé dans des Cliniques universitaires de Bruxelles.

Il y a entre 20 et 25 enfants qui tous fréquentent le centre de jour et 5 d'entre eux peuvent dormir en pédiatrie, encadrés par les éducateurs.

Le turn-over est assez important. Pour nos 20 « lits » agréés, nous accueillons environ 70 enfants par an. Certains pour des longs termes d'un an ou deux (enfants atteints d'autisme ou de psychose), mais aussi bon nombre de courts séjours, de situations plus aigües, dont par exemple certains placements du Tribunal de la Jeunesse.
Nous fonctionnons sur les principes de la psychothérapie institutionnelle, avec une prise en charge multidisciplinaire en petits groupes d'enfants: atelier logo, éducatif, psychomotricité, atelier scolaire,… avec des suivis plus individualisés: sociaux, médicaux, nursing (par exemple dans des anorexies de la petite enfance),…

Ceci pour dire que cette diversité nous a obligé à développer une grande compétence plastique dans l'équipe, puisque les pathologies sont très différentes et les groupes de vie changeants. Nous sommes contraints de nous adapter à des situations différentes, plus que de forcer les situations à rentrer dans notre cadre de travail. Avec les richesses et les dangers d'une telle formule.
Que nous apprennent la théorie et la déontologie à propos d'un "temps de séjour"?

Qu'il faut un cadre de travail explicite et bien connu de tous. Le cadre définit un "mandat", selon qu'on travaille dans le champ thérapeutique pur ou dans des "mandats sociaux", comme les placements judiciaires des situations de maltraitance ou dans des collaborations semi-forcées, par exemple avec les Services d'Aide à la Jeunesse  
Notre "responsabilité thérapeutique" s'exerce toute la durée du séjour, et cesse à la fin de celui-ci. Nous avons à rendre compte de notre travail à ceux qui ont autorité sur l'enfant. Dans les mandats "thérapeutiques purs", ce sont les parents. Dans les mandats "judiciaires", à l'autorité judiciaire qui nous mandate, et, le plus souvent, aux parents également. Dans les mandats "sociaux", chaque situation sera clarifiée à l'entrée, afin d'être au clair par rapport à cette question.

Le "séjour officiel" et donc "le mandat thérapeutique" est défini par la date d'entrée et de sortie, mais aussi par le paiement. Tant qu'on est payé, on est thérapeutiquement responsable…

En santé mentale, nous savons cependant que dans la pratique ce n'est pas toujours ni aussi clair ni aussi simple, et que "la sortie" est souvent autre chose qu'un moment précis et instantané.

Voici quelques exemples de sorties moins nettes que les sorties tranchées de notre schéma.

Dès l’ouverture du centre de jour, une voix d’homme blessé se fait entendre. Chaque matin, comme une forme de rituel pour marquer son territoire, elle résonne fort, épuise et même il faut le dire, casse les oreilles, au point de ne plus l’entendre, la comprendre, de ne plus voir de qui elle vient. Elle crie sa souffrance face à l’anorexie de ses deux petites filles.

Puis un jour elle rencontre une main, lui apportant contenance appui et soutien. Le volume de la voix ne diminua pas pour autant, mais à force de se rencontrer, mains et voix commencent à s’apprivoiser, à se comprendre. Elles retrouvent un langage commun, celui de la culture, de l’appartenance et de la tolérance.
Par ce simple rituel de la main tendue, la notion d’accueil au sens culturel du terme prend place et ouvre les possibilités d’un travail extrahospitalier. L’équipe éducative très investie par les enfants amorce une phase de changement. Peu à peu, l’une, puis l’autre des fillettes commencent à manger. Finis les dîners à la seringue en intimité avec le père, fini le monopole paternel ; place à la mère et aux vagues déferlantes des filles ayant le don d’irriter plus que de raison cette maman désemparée face au nouveau rôle qui lui est octroyé. Comment retrouver cette place trop longtemps désertée ?
Alors le KaPP se déplace et entre dans l’intimité du domicile. Derrière la porte du 131, c’est une main qui nous accueille et non plus une voix d’homme blessé. Cette main parle et nous dit soyez les bienvenues et nous offre le thé. De la cave au grenier elle éprouve le besoin de nous démontrer leur intégrité.
Le KaPP à domicile apporte la dimension du travail socioéducatif, un soutien au couple parental dans la nouvelle définition de leur rôle.
Au fil du temps, ils se rassurent et d’autres portes peuvent s’ouvrir.
Celle de l’école apparaît timidement. Avec beaucoup de réserves et de revendications, les parents acceptent un passage progressif, toujours en lien avec le KaPP.
Aujourd’hui, un an après la fin de l’hospitalisation, le KaPP maintien le lien à minima, par le biais de consultations, d’un soutien scolaire et d’une aide ponctuelle à domicile qui permet de rassurer et de garder l’extérieur comme un acteur présent de leur devenir.

Synthèse de cette vignette: un père considéré à juste titre comme agressif et violent (il a un jour dû être sorti de force du local de soin où il harcelait l'infirmière et sa fille lors de la remise en place de la sonde de gavage). Mais surtout inquiet et en souffrance.

Ce qui lui a permis d'apaiser sa souffrance et de s'apaiser, c'est le "transfert institutionnel" ou "constellation transférentielle" qu'il a noué avec l'hôpital de jour, dans le contexte hospitalier général: l'infirmière, la logopède, la médecin psychiatre, la pédiatre, l'éducatrice référente, l'assistante sociale,…

Chacun, de sa place, était un élément de cette contenance symbolisée par la poignée de main.
Alors, un jour nous avons mis en place le plan de sortie. Nous avons mis la famille en lien avec une maison médicale réputée pour ses qualités d'accompagnement psychosocial. Nous avons fait deux visites "triangulées" sur place: famille, maison médicale, hôpital de jour. Nous avons accompagné l'insertion des enfants à l'école maternelle, et quand nous les avons lâchés pour les engager dans le réseau mis en place, ils sont revenus à l'hôpital pour revoir la pédiatre, et puis pour une aide pour remplir les documents des allocations, et même pour nous demander de faire sauter une contravention pour stationnement illégal,… enfin, surtout pour nous montrer combien l'alimentation et plus fondamentalement, les relations intrafamiliales restaient difficiles. Alors, pendant les vacances, quand les enfants ne sont pas à l'école, que la tension augmente encore en famille, l'éducatrice référente retourne à domicile, parfois seule, parfois accompagnée de l'assistante sociale. La logopède revoit les enfants ponctuellement,…
Le problème, par rapport au "cadre de travail clair", c'est que nous n'en avons plus… Si on prend par exemple le critère paiement, seul le médecin se fait payer par ses consultations, lorsqu'elle revoit la famille. Mais l'hôpital de jour est théoriquement hors mandat et hors paiement pour ses interventions. Cependant, l'équipe continue d'assurer un travail psychoéducatif, hors mandat.

Nabil a 4 ans. Il vient de la pédopsychiatrie dormante, celle où l’on vit jour et nuit dans un cocon au parfum d’éther, où la famille visite, s’entretient et où l’extérieur s’évite.
Arrivé au KaPP de jour, d’emblée un cadre de sortie s’installe, au cas où elle se ferait trop précipitée ; un SAJ est identifié.
Ensemble, nous entamons la traversée, celle où dans l’idéal, on part d’une rive pour aboutir sur une autre, tout en espérant que pendant la durée de ce voyage, il nous sera permis de cheminer au côté de cette maman et de son enfant.
Mais très vite cette maman se sent autorisée à guérir son enfant par sa propre compréhension des symptômes, elle en détermine le traitement.
Un vent d’angoisse vient déposer une atmosphère pesante, empreinte de responsabilités, de non assistance à personne en danger, de limites dépassées. Alors l’équipe questionne et le bateau tangue, les flots se font plus tumultueux.
Nous sommes dans un épisode où la mère nous envoie des messages codés, où seul son corps mis en avant par un jeûne intempestif nous parle.
Alors nous allons au devant de cette maman, allant à chaque instant lui permettre de se confronter à nos courants contraires. On assiste dès lors à une danse faite de multiples pas, pas de deux, pas de trois, pas de côté, pas de séparation, pas de tension, pas d’illusion, pas de toi. Puis tous ces pas mis les uns à la suite des autres finissent par dessiner au sol des limites, des bords, des repères qui nous apparaissent comme des dénominateurs communs, amenant ainsi à déterminer à minima les accords qui permettront d’installer progressivement le réseau extérieur.
Après deux ans, Nabil quitte le KaPP et fait son entrée à l’école. Maintenant, cela fait plus d’un an qu’il y va, mais nous n’avons toujours pas débarqué sur l’autre rive, nous sommes au côté de cette mère au gré du vent et de ses tourments, il nous est comme empêché de nous désengager.

Résumé en langage technique, Nabil a une maman socialement suffisamment bien insérée, mais psychotique. Elle a une conviction délirante que son fils (porteur d'un chromosome "X fragile", avec retard de développement, surtout marqué au niveau du langage) va guérir si elle tient un jeûne assez longtemps, pour que l'enfant finisse par la suivre dans ce jeûne purificateur familial…

Nous l'avons vue, gravement amaigrie, les traits tirés, la bouche sèche parce qu'elle avait même arrêté de boire, un vendredi midi. On peut imaginer l'angoisse de l'équipe à la veille d’un tel week-end. Nous avons ressenti combien cette situation était "structurellement" une situation de danger, tout en sachant que si nous intervenions trop fort, trop vite, en demandant l'aide d'une autorité sociale, il y avait presque à coup sûr placement de l'enfant.

Mais si nous intervenions trop tard, les conséquences pouvaient être dramatiques également.

Nabil a passé chez nous quelques mois de plus que ce que son état nécessitait, mais cela nous a permis d'aider cette maman à accepter l'obligation scolaire, c'est-à-dire de s'engager dans un autre système social (l'école) et de sortir de l'hôpital. Elle reprend contact avec nous régulièrement. Comme plus rien n'est visible quant à la pathologie maternelle, qu'il n'y a aucune conséquence actuelle sur l'enfant, nous devons insister tous les six mois auprès du service d'aide à la jeunesse pour que le dossier ne soit pas fermé.

Par rapport au mandat officiel de l'hôpital de jour, c'est terminé. Nabil est sorti.

Cependant, nous gardons un double rôle. Au premier degré, un rôle assez simple: "centre de consultation pour la maman".

Au deuxième degré, nous nous sentons responsables, si nécessaire à vie, de cette relation enfant-maman psychotique. La maman de Nabil en effet ne semble parler de sa volonté de jeûne à personne d'autre qu'à nous. Dit autrement, la pathologie de la maman n'est plus aiguë, elle est même devenue quasi invisible, mais elle est toujours là. Quand nous la rencontrons, cette maman nous confie chaque fois sa volonté de recommencer un jour ce jeûne. Et nous savons qu'elle peut le faire…

Du haut de ses 11 ans, Sylvia interpelle, et nous met en difficulté dès son arrivée. Son comportement est tel qu’il nous faut mettre fin au séjour après trois jours et la renvoyer à ses parents.
Mais le réseau et la famille sont épuisés, Sylvia ne cesse de réclamer présence et attention. Un jour, elle va s’accrocher à votre jambe, le lendemain elle ira jusqu’à fuguer de l’école et de la maison. On la retrouve alors au commissariat où elle porte plainte en bonne et due forme. Leur fille étant atteinte d’un déficit intellectuel et ayant peu d’autonomie, les parents prennent peur et ferment la porte d’entrée à clé. Mais rien n’y fait, Sylvia ouvre la fenêtre et crie à qui veut l’entendre son désespoir. "Je veux un internat et personne ne veut de moi" sont les mots qu’elle nous transmet sans vraiment pouvoir percevoir ce que cela signifie réellement pour elle, et ce qui se passe en famille qui l’amènerait à faire cette demande.
L’hospitalisation complète étant impossible, le KaPP se déplace au domicile et à l’école, ensemble tous reprennent confiance et un plan intermédiaire s’installe, école mi-temps, parents l’autre temps.
En parallèle, le KaPP accompagne la famille et cherche avec elle un lieu de vie pour leur fille, un internat thérapeutique.
Aujourd’hui cela fait un an que Sylvia se trouve dans son nouveau cadre de vie, elle rentre régulièrement chez ses parents et un équilibre semble retrouvé.

Pour Sylvia, bien sûr, elle-même et ses parents ne s'en sortent pas. Mais rapidement, nous avons perçu que nous ne nous en sortions pas non plus.

Et qu'avant nous, l'école, le service de santé mentale, la police ne s'en sortaient pas plus que les parents et que nous-mêmes.

Une issue a été trouvée, mais relativement lointaine: un internat thérapeutique que nous savions bien compétent pour accueillir Sylvia et travailler avec elle ce type de difficultés.

Il fallait cependant attendre quelques mois pour l'accueil.
Nous aurions pu, dans l'attente, repasser le suivi de cette situation aux intervenants précédents, mais nous savions qu'ils étaient et resteraient dépassés. Ou chercher une autre équipe de "milieu ouvert", mais pour la famille c'est recommencer à nouveau, en attendant la place libérée à l'internat, et sans que nous soyons suffisamment certains que cette équipe aurait réellement plus d'outils ou de moyens.
Alors nous avons mis ensemble les énergies de ceux qui ne s'en sortent pas: la famille, l'école, nous-mêmes pour tisser un réseau afin d'accompagner Sylvia jusqu'à la date de son entrée à l'internat.
Jonathan, 11ans, arrive par la filière judiciaire, celle où les parents n’entrent plus par la grande porte, mais bien par celle qui mettra en évidence les stigmates de leur "incompétence". Comment faire, comment être face à un tel chemin où l’histoire a commencé bien avant son entrée, du temps où ses parents étaient enfants? Chacun dans leur institution respective, ils pensaient " un jour, moi aussi j’aurai des enfants".
C’est dans cette ambiance d’union et d’amour sur un air d’incapacité que Jo est né.
Déterminé par les critères d’une société définissant les règles du jeu pour être de bons parents, mais oubliant de nous prévenir que si la marche à suivre n’est pas respectée, la marge vous guette, un pas de côté et vous tombez dans la marginalité.
C’est ainsi que Jo commence à l’âge de trois ans son propre parcours institutionnel, passant de pouponnière en centre spécialisé. Il finit en IMP, pour au bout du compte revenir chez ses parents à l’âge de 10 ans, sans école, sans aide autre que celle du contrôle judiciaire. Mais l’étiquette d’incapacité n’est pas tombée et les parents se voient à  présent dans l’obligation de prendre en charge leur enfant et de devoir l’amener au KaPP matin et soir cinq fois semaine. C’est dans ce contexte que Jo arrive au KaPP.  Très vite, la compliance à ce nouveau traitement part à la dérive, Jo n’a pas de bord, ni de limites, la famille s’épuise et passe en un instant de l’amour à la violence dite. Ils expriment leurs difficultés, mais ne croient plus à l’aide qu’on pourrait leur apporter. Le temps des vacances arrivant, le KaPP propose une forme de mi-temps, mais même pour cela ils lâchent prise. Alors le KaPP réagit et met en place un soutien du matin à domicile. C’est ainsi que Jo se réveille au coup de sonnette de celle qui vient le chercher. Le temps qu’il daigne se lever, un café lui sera proposé et sur cette base anodine de l’ordre du portage familial, s’installe un lien de confiance et de réassurance sur le fait de croire que l’autre, l’intervenant, puisse être partenaire du devenir de leur enfant.
Aujourd’hui, Jo est entré à l’école en lien avec un internat acceptant de poursuivre le travail entamé avec l’enfant et sa famille.
Jo est maintenant entré à l'internat depuis cinq semaines et les nouvelles sont plus que bonnes, elles sont excellentes…
Difficile de prédire l'avenir, bien sûr, et cependant, je crois qu'il y aurait eu bien moins de chance d'accrochage positif s'il n'y avait pas eu ce coup de sonnette quotidien pour passer chercher Jo et, attendant que le garçon soit prêt, le temps de la tasse de café avec les parents…

Qu'est-ce que nous retenons de ces histoires…?

Quand le patient - l'enfant - la famille ne s'en sort pas (de son problème), c'est à nous de sortir (de notre cadre).

L'histoire de Jo illustre bien ceci.

Peut-être parce que notre intervention a été la plus incongrue, la moins orthodoxe.

Nous aurions pu, nous aurions dû, jeter l'éponge, et faire rapport au juge que malgré l'ordonnance, Jo ne fréquentait plus le centre. Et confirmer ainsi ce que tout le monde savait: que les parents ne s'en sortaient pas.

Aller chercher l'enfant nous-mêmes l'enfant…A cette époque, nous ne l'avions jamais fait.

Sortir de notre cadre a permis à Jo et à ses parents de s'en sortir cette fois-ci. Et d'entrer dans la nouvelle institution, non parce que ça n'allait pas, mais parce que cela s'était bien passé.

Quoi encore?

Le travail institutionnel est plus de la poésie que de la grammaire

C'est à dire qu'il faut bien sûr rester dans certaines conventions de langage (même en poésie, si je dis "table", personne ne va penser "chaise"), mais le travail poétique ou de thérapie institutionnelle est aussi, et parfois surtout, de l'insolite, des associations non-rationnelles, au hasard des rencontres dans le travail.

Cette logique de l'insolite, du non-rationnel, si elle est reconnue comme utile et parfois nécessaire pendant la thérapie institutionnelle, nous voyons qu'elle peut-être utile et parfois nécessaire dans le travail de sortie.

Et encore ceci.

La "constellation thérapeutique", ça ne se change pas en un jour, comme on changerait une ampoule.

Bien souvent, on peut préparer la sortie lors du séjour (nous pensons d'ailleurs que la sortie se prépare dès l'entretien de pré-accueil).

En revenant nous voir, la famille des petites filles anorexiques nous a appris à la laisser sortir à son rythme à elle et pas au nôtre. En quelque sorte, cette famille est "en sortie" depuis presque 3 ans.

Il est possible que cela dure encore des années, au bénéfice des enfants.

D'où, nouvelle réflexion :

Réhabilitons le lien thérapeutique chronique

Le mot "chronique" (comme dans "pathologie chronique", mais surtout comme dans "patient chronique") n'a pas bonne presse dans notre monde de vitesse et d'efficacité.

Pourtant, nous croyons nécessaire de pouvoir penser la chronicité d'un lien comme un élément parfois nécessaire. Nous devons pouvoir accepter la lenteur et la durée comme des valeurs thérapeutiques dans certaines situations,  à condition d'être attentifs à notre contre-transfert, de veiller à ce que ce ne soient pas nous, les soignants qui ayons du mal à lâcher certains patients, enfants ou familles.

Sylvia nous rappelle que, de plus en plus,

Il ne faut pas opposer ambulatoire et hospitalier

Nous restons héritiers - en partie - de ce clivage. L'ambulatoire et l'hospitalier restent trop souvent en opposition. L'hôpital de jour, il est vrai, est cependant souvent dans un entre-deux intéressant…

Le clivage hospitalier / ambulatoire renvoie également à un autre "clivage": le clivage entre "dedans" et "dehors". Nous avons pourtant tout intérêt à penser la santé mentale comme un seul champ, où les structures sont toutes "dedans", où elles sont toutes "dans le réseau".
Ceci est une peut-être évidence dans certains services, mais parfois loin d'être réalisé dans d'autres.

Sylvia encore nous aide à repenser la notion de "dedans - dehors".
En effet, si nous restons dans une logique binaire: dedans – dehors, nous devrions considérer qu'être dedans (à l'hôpital de jour), c'est être dehors de l'ambulatoire et contrairement, qu'être "dans un centre de consultation" c'est être "dehors de l'hôpital ».

Dans la logique binaire, le dedans de l'un, c'est le dehors de l'autre.

Or, dans la pratique, nous expérimentons que cela ne se passe pas toujours comme cela, en opposition, et que notre schéma linéaire séjour - mandat – paiement n'est pas le reflet de bien des réalités cliniques. Au contraire, dans certaines situations, on ne peut mettre dedans / dehors dans une succession chronologique…

En fait, il faut donc pouvoir imaginer que


Chaque structure peut être pour un patient à la fois le dedans et le dehors


Ou pouvoir penser


Changer de lieu, en gardant le lien



Est-ce possible d'être à la fois le dedans et le dehors?
Difficile de se le représenter, pourtant, l'anneau de Moebius nous montre que c'est possible et représentable, même si cela reste toujours aussi déroutant pour nos esprits cartésiens.

L'image est peut-être un peu déprimante, mais MC. Escher est tellement doué pour représenter l'insolite que je n'ai pas trop résisté à l'envie de l'insérer ici.



Le "dedans" et le "dehors", la "sortie",… ce sont des signifiants professionnels ou  institutionnels, qui parfois n'ont aucun sens pour une famille, pour un parent, pour un patient.